Dominique est bénévole pour l’association depuis cet été. Elle nous a accompagnés sur plusieurs lieux de lecture en plein air, notamment la Ludoscope. Elle a accepté de partager ses notes, prises à la suite des temps de lecture, montrant ainsi très concrètement comment se déroulent nos actions.
Bonne lecture.
29 juillet
À côté de la ludothèque de quartier, Chloé et moi ouvrons la valise à livres. Je m’approche de A. une petite fille de deux ans. Au début, elle est tellement timide qu’elle reste muette. Elle me fait non avec la tête quand je propose de lui lire un livre. J’ouvre tout de même Rouge Pop (Aurore Petit, La Martinière). Et la voilà qui sourit, elle reconnaît la coccinelle, les poissons et prononce les mots. C’est parti, elle est d’accord pour d’autres découvertes.
Nous lisons, à la suite, On s’habille Petit Nombril (Lucie Brunellière, Albin-Michel). Ça marche fort ce livre-jeu avec un habit ajouté à chaque rabat. A. les nomme tous. Elle semble lire pour et avec sa nourrice car elle ne la perd pas des yeux, je ne sers que de médiatrice et c’est chouette de déceler leur complicité.
Nous regardons le très bel ABC de la nature (Bernadette Gervais, Les Grandes Personnes) : animaux ou plantes au pochoir ou à l’éponge. On peut pointer le lion ou l’éléphant, mais aussi une aigrette ou une bergeronnette. Richesse du lexique.
La comptine de P’tit Lapin plein d’poils (Martine Bourre, Didier jeunesse) plaît aussi à A.
Quand sa nounou la chante avec moi, A. est aux anges.
On peut scanner le QR code et hop, on entend l’air chanté.
A. choisit La nuit de Berk (Julien Béziat, l’école des loisirs). Celui-ci, je le connais presque par cœur. A. est concentrée puis elle décroche ou bien elle a besoin de vivre l’histoire à sa façon, car au moment de la patouille dans la peinture verte, elle s’éloigne, danse un peu plus loin, et revient pour apprécier la fin dans un sourire.
Je m’assois ensuite près de E. une petite blondinette de 3 ans. Son papa discute avec Chloé de Maurice Sendak. Moi, je commence à lire Brrrr brrrrr, Vroum vroum vroum, c’est Bolide (Charline Colette, L’Articho), un texte composé uniquement d’onomatopées pour illustrer les bruits d’une petite voiture par monts et par vaux, jusqu’à ce qu’elle atterrisse dans l’assiette d’un enfant. La voiture se révèle être le jouet du bonhomme aperçu à table en dernière page.
E. se régale. Moi aussi. Je renouvelle ma lecture plusieurs fois, c’est tellement drôle.
J’observe les gens venus là avec leurs enfants. Il y a des parents, leur bébé de 15 jours et leur fille de 3/4 ans, des grand-mères, des nounous, des personnes de cultures différentes, ensemble, dans cet espace créé par les livres et les jeux. Une femme s’est installée sur une chaise avec son bouquin, elle a l’air d’être seule. A-t-elle voulu se rapprocher de cette bulle de lecture ? Les enfants évoluent au milieu des jeux, ils se débrouillent seuls ou sont aidés par les adultes. Un petit bonhomme de 3 ans environ refuse qu’on lui lise une histoire, mais au moment où sa mère en commence une pour son jumeau, il se rapproche, tourne un peu la tête vers les images et boit ses paroles.
5 août
Allez, je m’installe à une table et propose à M. et A, deux frères, installés devant un jeu de petites voitures, de leur lire Chocotrain (Adrien Albert, l’école des loisirs) à l’issue de leur partie. A. est partant et prêt immédiatement. Il écoute attentivement et sans commentaires l’histoire trépidante de mamie Georges. À la fin, il me confie que son frère aime jouer à l’avion. Qui sait, peut-être comme le babouin qui saute dans un hélicoptère ? Ce babouin n’est autre mémé Lucie sous un déguisement. Faut suivre.
Et les enfants suivent très bien ces récits d’aventure palpitants tout en drôleries et rebondissements.
Puis A. demande Un peu perdu (Chris Haughton, Thierry Magnier). L’histoire d’un bébé chouette qui, tombé du nid, boing, boing, boing, cherche sa maman. Un écureuil s’emploie à la reconnaître à travers un ours, un lapin, une grenouille. Mais aucun ne possède les grands yeux de la maman. A. adore cette histoire et la réclame trois fois. Je ne cache pas ma joie à A. J’avais envie de la relire. A. prend plaisir à dire, en même temps que Bébé Chouette à l’intention de l’écureuil : Non, non, ce n’est pas ma maman.
Une fois l’album refermé, il met ses deux menottes droites au-dessus de sa tête et avec un sourire malicieux, mime : Ma maman, elle a des oreilles pointues. Pointues… Comme ça !
Pendant ce temps, nous percevons la voix de Chloé lire P’tit lapin plein de poils. En face d’elle, un petit garçon se balance et suit la comptine, assis dans une coque orange.
Une jupette s’est invitée. Tiens, tiens, intéressant ces moutons sur l’image.
J’ai beaucoup à apprendre ou à désapprendre dans la lecture aux enfants. Je crois comprendre, pour avoir souvent entendu les conférences de Chloé, qu’il n’est pas nécessaire de forcer la lecture. Mais au contraire, d’être à l’écoute des enfants, de leur rythme, de leur réception de l’histoire. J’observe Chloé et sa façon de se fondre dans le mouvement des enfants, d’être présente et discrète en même temps.
Petit lapin plein de poils, petit lapin plein de poils
Petit lapin plein de poils partout
Par devant, par derrière, par-dessus, par-dessous
Petit lapin plein de poils partout.
Chloé vante le bienfait des comptines : Elles captent l’attention des tout-petits et réveillent l’enfance des parents, dit-elle depuis sa longue expérience.
D. m’apporte La nuit de Berk (Julien Béziat, l’école des loisirs). Pour suivre l’aventure à la tension dramatique certaine, il tient serré le bras de sa maman. Il est réservé, un peu farouche. Mais quand Berk et Croc tombent dans la poubelle ou quand Berk marche dans la peinture verte, D. éclate de rire. Il est touché par le burlesque de la situation. Cependant, il n’a pas lâché le bras de sa maman.
Deux bambins me tendent Tralalère (François Soutif, l’école des loisirs). Un album sans texte en accordéon. Je connais le livre, mais c’est la première fois que je le raconte et me voilà déstabilisée. Il faut se laisser guider par les enfants, me conseille Chloé. Eux savent lire les images mieux que nous, c’est vrai. Donc, un ogre poursuit un garçon avec un couteau. C’est un enfant malin, il veut jouer un bon tour à cet ogre, prêt à le dévorer. Ce farceur a tout l’air d’être le Petit Poucet bien sûr. Les enfants réagissent copieusement et m’expliquent tout, en effet.
J’ai toujours aimé causer avec les petits et, si possible, par le biais des histoires.
Dominique Masdieu, bénévole.