Véronique Rivière, notre actuelle présidente, a participé l’été dernier à une bibliothèque de rue avec le chariot multilingue. Elle nous livrait alors ses impressions sur ce premier moment de lecture.
Je suis entrée au CA de LIRE en septembre 2022, je suis toute nouvelle et me voilà partie, au bout seulement d’une petite année, vers un nouveau défi : lire dehors à des personnes que je ne connais pas. J’ai beaucoup d’inquiétudes et pourtant l’idée m’enchante : offrir des livres, des histoires comme ça au hasard des rencontres mais il reste beaucoup d’inconnu pour moi, en particulier quelle place prendre : ni trop présente ni trop absente.
J’arrive sur le lieu, Frédéric et Céline ont déjà tout installé, des mères sont déjà là avec des enfants plutôt jeunes.
Je m’assois sur un banc et très vite je repère un garçon de 8-9 ans qui lit tranquillement près de moi, je vois qu’il prend des livres dans des langues étrangères et un en arabe, je lui demande s’il sait lire l’arabe car moi non, il ne me répond pas.
Je continue en lui parlant du livre qu’il lit et son corps très subtilement se tourne, je continue à lui poser une question et là il me dit très gentiment : « vous pourriez s’il vous plait me laisser lire tranquillement ? ».
Ça y est c’est la fin, je n’ai rien compris au moment, je me sens très bête, Céline qui a entendu me sourit gentiment.
Bon, je me mets à la découverte des livres car je n’en connais aucun et cela rajoute à ma difficulté, je ne sais ni comment proposer une lecture ni ce que les livres racontent.
Bon, je m’obstine, je m‘assois à côté d’un bébé qui est très occupé avec un livre dans la bouche, je sens la maman disponible, je trouve un livre de comptine avec « dans sa maison un grand cerf » ouf celui-là je le connais, je me mets à chanter à côté du bébé, la maman me sourit et le bébé m’écoute un peu mais pas longtemps très vite il repart vers sa mère et je m’arrête.
Je vois Frédéric et Céline qui vont avec des livres à la rencontre des personnes qui sont plus loin, alors j’observe ce qui se passe, les enfants qui « jouent » avec les livres pour s’en faire une cabane, Céline qui propose des comptines en portugais à une maman et qui arrive aussi à lire à un jeune garçon qui l’écoute, je me régale à simplement regarder, je voudrais pouvoir saisir et garder des traces de ce qui se passe : des micro activités, des regards, des sourires, des élans, de l’intimité partagée : c’est doux et chaleureux.
Frédéric a fait venir un père qui lit à sa fille en arabe, quand il a fini je lui demande de me raconter l’histoire, alors très gentiment il me traduit chaque page jusqu’à la fin et j’apprécie ce moment, il me semble que ce partage est important pour lui en position de celui qui sait et moi qui ait trouvé enfin une place.
Puis un tonton discute avec Céline pour trouver des livres en bengali, pendant qu’ils échangent, son neveu et sa nièce sont là, ils ont 5 et 3 ans et j’ai trouvé « la chasse à l’ours », je suis sauvée, je le connais celui-là, ils acceptent très gentiment d’écouter l’histoire, je continue par « Ma maman » qui s’était aussi perdu dans le chariot multilingue, tant mieux pour moi j’en profite.
Le temps a passé très vite, je pars avec un sentiment de sérénité, d’abord j’ai réussi à partager une histoire avec quelqu’un et ensuite j’ai passé un moment très fort, plein de rencontres et d’émotions partagées, sans pression et avec chacun prêt au plaisir de l’imprévu de la rencontre.
Véronique Rivière.
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